Le syndrome méditerranéen : quand le racisme ordinaire rencontre le corps médical
Le thème que nous allons aborder aujourd’hui est méconnu, et pourtant il est très grave, et trop répandu.
Il mêle racisme, difficultés dans la prise en charge médicale, et même sexisme dans beaucoup de situations.
Connaissez-vous ce qu’on appelle le « syndrome méditerranéen » ?
Qu'est-ce que le syndrome méditerranéen ?
Il s’agit d’un biais de pensée, d’un stéréotype sans aucune preuve rationnelle et biologique bien entendu, qui est présent chez certains professionnels de santé, et qui leur laisse penser que les personnes d’origine africaine ou nord-africaine exagèrent la manifestation de leur douleur physique ou psychique.
C’est évidemment du racisme pur et simple, et cela a de graves conséquences, comme nous allons le voir.
Quelle est l'origine du syndrome méditerranéen ?
Après la seconde guerre mondiale, les difficultés de santé particulières des populations immigrées ont été étudiées par des médecins qui avaient repéré des pathologies spécifiques chez cette population.
Finalement, on peut se demander si cela a été favorable aux personnes concernées ou bien si toutes leurs pathologies physiques et mentales n’ont pas été par conséquent analysées uniquement sous le prisme de l’immigration.
C’est dès cette période que sont mises en avant des « plaintes douloureuses excessives ».
Depuis cette époque, même s’il est désormais malvenu de se référer théoriquement à ces idées aujourd’hui, celles-ci restent pourtant ancrées profondément dans les représentations du corps médical.
Ce phénomène existe depuis bien longtemps, mais il n'a malheureusement été remis sur le devant de la scène et porté à la connaissance du grand public qu'en 2017 lors du décès d’une jeune femme d’origine congolaise à Strasbourg.
Celle-ci avait contacté le SAMU qui ne s’est pas alerté de ses symptômes, et la jeune femme est décédée d’un arrêt cardiaque qui aurait pu être évité s’il avait été pris à temps.
De nombreuses associations avaient alors alerté les médias, car tout l’enjeu était de faire comprendre qu’il ne s’agissait pas d’une simple erreur d’appréciation isolée au niveau du SAMU mais bien d’un problème structurel.
Les conséquences dramatiques du syndrome méditerranéen
Bien évidemment, il n’existe pas de statistiques sur le sujet.
Mais pour que ce concept porte un nom et totalise autant de références lorsqu’on l’écrit sur un moteur de recherche, c’est bien qu’il est trop répandu.
En lisant les témoignages, il en ressort des conséquences diverses et variées :
- Une non prise en charge de la douleur lorsqu’elle est exprimée, alors qu’elle est prise en charge chez une personne de type européen qui exprimerait la même.
- Une violence psychologique dans la prise en charge (moqueries, symptômes minimisés, froideur…) qui se surajoute au problème qui amène à la consultation.
- Des symptômes non pris en compte qui peuvent s’aggraver et devenir plus difficiles à soigner une fois qu’ils sont enfin traités.
Et enfin, dans les cas les plus extrêmes comme celui cité précédemment, la mauvaise prise en charge peut entraîner le décès des patients.
Le syndrome méditerranéen est une des raisons qui expliquent les inégalités d’accès au soin des minorités ethniques.
Les femmes et le syndrome méditerranéen
Lorsqu’il y a discrimination, les femmes sont quasiment toujours en première ligne, dans le sens où elles sont encore plus durement touchées par la discrimination que leurs homologues masculins.
Le syndrome méditerranéen n’échappe pas à cette réalité.
Encore une fois, malgré l’absence de statistiques officielles, les témoignages des femmes à ce sujet sont les plus nombreux.
Alors que les femmes en général peuvent déjà connaître, par exemple, les difficultés de diagnostic de l’endométriose ou du syndrome des ovaires polykystiques, le fait d’être visiblement d’origine africaine ou nord-africaine complique encore les choses : « C’est dans votre tête », « C’est normal d’avoir mal »…
Évidemment, tout ceci reste encore difficile à démontrer car il existe encore peu d’études sur le sujet. Il est surtout porté par des associations qui portent la voix des victimes.
Il s’agit d’actes de « racisme ordinaire » que le corps médical a du mal à reconnaître.
En faisant des recherches pour cet article, je suis néanmoins tombée sur des écrits de présentation de médecins de CHU : espérons que les choses avancent.
C’est la raison pour laquelle, en attendant que le sujet soit mieux connu et mieux appréhendé par le corps médical, il est important d’en parler le plus largement possible autour de soi, afin d’aider les victimes à se sentir légitimes et à faire reconnaître leurs droits.
Commentaires
Bonjour Chloé, nous vous remercions pour votre retour encourageant !
Merci pour ce post très juste et très nécessaire.