L'histoire du spéculum : que se cache-t-il derrière cette invention ?
Vous connaissez sûrement toutes le spéculum, cet outil médical qui permet d’écarter des parois corporelles ? Les femmes particulièrement ont souvent croisé son chemin chez le gynécologue ou la sage-femme, ces derniers s’en servant pour écarter les parois du vagin afin de procéder à l’examen.
Mais connaissez-vous l’origine de cet outil ?
Aujourd’hui nous allons faire une plongée dans l’histoire, et attention, soyez prévenues : cela fait froid dans le dos.
Le spéculum, une invention révolutionnaire qui a fait beaucoup de mal
Le spéculum aurait été créé par James Marion Sims dans les années 1800 en Alabama.
Cet homme est considéré comme un pionnier de la chirurgie et le père de la gynécologie aux Etats-Unis.
A cette époque, bien sûr, la gynécologie n’est pas développée, et les femmes souffrant de problèmes de cette sorte ne sont pas soignées.
Spéculum gynécologique : des expérimentations racistes et misogynes
Au 19ème siècle, l’Alabama, comme bien d’autres pays du sud des Etats-Unis, est en plein dans l’expansion des exploitations de coton, et pour travailler dans ces dernières, utilise le commerce d’esclaves africains.
Pour rappel, l’esclavage n’a été aboli qu’en 1865.
C’est dans ce contexte que James Marion Sims, qui souhaitait se perfectionner en gynécologie n’a pas eu à chercher bien loin des cobayes pour faire ses expérimentations : il a acheté des femmes esclaves et les a retenues dans sa clinique privée.
Sur elles, il a pu faire toutes sortes de tests et d’opérations sans anesthésie.
C’est ainsi qu’une patiente esclave nommée Anarcha, après un accouchement compliqué et souffrant de déchirures et de fistules, a été opérée trente fois par Sims.
On trouve ici ou là dans des textes sur le sujet l’idée que ces femmes esclaves auraient donné leur accord pour participer à ces expérimentations, mais en réalité, personne n’a pu le prouver.
Avaient-elles vraiment le choix ? On peut évidemment en douter !
Torture et déshumanisation
A cette époque, les femmes noires étaient considérées comme « sous-humaines », et à ce titre, ne ressentant pas la douleur comme les femmes blanches.
A ce titre, nombre d’opérations ont été pratiquées sans anesthésie, et devant une assemblée de médecins et de personnes présentes.
En effet, lorsque l’on considère qu’un être humain ne ressent pas la douleur comme un autre, on ne va pas non plus s’encombrer d’humanité ni de considération pour sa dignité.
Pour ce qui est du racisme et de la perception de la douleur, vous pouvez également lire notre article sur le syndrome méditerranéen, car malheureusement, ce mythe perdure encore aujourd’hui, au détriment de la santé et de la dignité des personnes racisées.
Des hommages qui commencent à devenir gênants
Pendant très longtemps (et même encore aujourd’hui), James Marion Sims a été considéré comme un pionnier de la gynécologie moderne grâce, entre autres, à l'invention du spéculum, et les hommages en sa faveur se sont multipliés.
Plusieurs statues à son effigie ont été érigées, principalement aux Etats-Unis.
Encore aujourd’hui, il n’est pas rare de lire des articles sur son travail faisant abstraction, ou simplement mention en une ligne, de ses expérimentations sur des esclaves noires.
Pourtant, même à son époque, les pratiques de Sims étaient critiquées par certains de ses confrères.
En 2018, sa statue qui avait été dressée à Central Park en 1934 a été retirée en raison de la controverse. Elle sera remplacée par une plaque rendant hommage aux femmes ayant subi ces expériences.
Le spéculum aujourd’hui
Les spéculum vaginal que les professionnels médicaux utilisent encore aujourd’hui sont similaires à ceux inventés par Sims dans les années 1800.
Un vent de protestation souffle périodiquement sur son utilisation que certaines perçoivent comme un outil de domination du corps des femmes.
Beaucoup de femmes décrivent son utilisation comme une violence gynécologique (voir notre article sur le sujet).
Aujourd’hui pourtant, on voit de plus en plus de professionnels, et particulièrement de sage-femmes, attentives au bien-être de leurs patientes lors des consultations, et certaines d’entre elles proposent même que les femmes posent elles-mêmes le spéculum avant l’examen ou l’acte médical.
Connaissiez-vous l’histoire du spéculum ?